Le sol, qu’est-ce que c’est ?
Le sol est une formation superficielle qui résulte de l’altération de roche par l’eau, l’air et les êtres vivants. C’est un milieu poreux constitué d’une phase liquide, solide (terre, pierres et roches qui constituent la fraction minérale et organique) et gazeuse. Les facteurs influençant la formation du sol sont donc le climat, les organismes vivants, le relief, la géologie et le temps. C’est donc un milieu variable support de la croissance des plantes, organisé, complexe et vivant.
Le sol est un milieu vivant qui abrite une grande diversité d’organismes. Des animaux aux micro-organismes, les espèces qui y vivent sont nombreuses (bactéries, protozoaires, champignons, lombrics, mollusques, mammifères).
C’est un milieu sous contraintes qui s’altère : sous l’effet des conditions météorologiques et notamment des fortes pluies, des particules de terre sont entrainées par gravité sous l’effet de l’eau, c’est l’érosion. Il subit également des altérations chimiques et biologiques qui modifient sa composition. Les processus de gel/dégel, les perturbations mécaniques et biologiques modifient le profil d’un sol.
Pas de sol, pas de vigne !
Le sol constitue un réservoir de biodiversité, il recycle la matière organique et les nutriments, régule le stock et la circulation de l’eau et supporte la production végétale. Les éléments indispensables à la croissance des plantes et à la vie du sol sont l’azote, le potassium, le calcium, phosphore, magnésium et autres oligoéléments. L’azote est le pilier de la synthèse protéique, la photosynthèse, du métabolisme et de la croissance des plantes. Il est absorbé principalement au niveau du système racinaire sous forme d’azote nitrique, NO3- (et dans une proportion inférieure sous forme d’azote ammoniacal, NH4+). La figure 1 rappelle le cycle de l’azote dans le sol.
Figure 1 : le cycle de l'azote (Dréo J.)
La matière organique, à la base de la structure et du fonctionnement d’un sol
La matière organique représente la litière d’un sol, elle est constituée de composés carbonés d’origine végétale et animale. Cette matière organique se divise en deux catégories, jouant des rôles différents (voir figure 2) :
- la matière organique libre, non humique, c’est-à-dire fraîche et peu décomposée (débris végétaux, animaux séparables par action physique). Elle évolue très rapidement (en quelques années) et constitue la matière organique facilement minéralisable du sol.
- la matière organique liée à la fraction minérale, appelée aussi humus (non séparable par des moyens mécaniques). A la différence de la précédente, l’évolution de cette matière organique est très lente (plusieurs dizaines à centaines d’années). L’humus est la fraction stabilisée du sol, qui lui permet d’apporter de la cohésion (d’où la formation de mottes). C’est une partie du sol qui permet également la rétention d’eau et l’adsorption des cations.
- L’humus est donc la partie du sol qui garantit sa stabilité et sa structure. Elle permet d’augmenter la capacité de rétention en eau et de stocker et libérer les éléments minéraux nécessaires à la vie des plantes.
- La matière organique stimule l’activité biologique des sols et donc des micro-organismes. Ces derniers ont un rôle primordial dans les ressources azotées et minérales : en minéralisant la matière organique, ils rendent les éléments minéraux disponibles pour la vigne.
Figure 2 : les matières organiques du sol
Pourtant, en comparaison aux autres activités agricoles (voir figure 3), les sols viticoles sont les moins vivants : leur concentration moyenne en ADN microbien est inférieure aux vergers mais aussi aux sols de monoculture.
Figure 3 : biomasse microbienne moyenne des sols par type d'usage en France métropolitaine
Une bonne structure du sol permet d’augmenter sa résistance vis-à-vis d’agressions physiques : un sol plus riche en matière organique sera moins modifié par le tassement engendré par le passage des engins agricoles, et moins sensible à l’érosion (meilleure agrégation et cohésion).
L’enjeu de conserver un sol vivant et stable
Le sol constitue un milieu de vie peu renouvelable : en effet, la formation de sols est un phénomène continu mais très lent, (un sol de climat tempéré met plusieurs milliers d’années à se mettre en place) qui est donc peu renouvelable à l’échelle d’une vie humaine. Il est donc primordial de l’entretenir et de le protéger.
Face aux problèmes rencontrés sur les parcelles : érosion (déchaussement des ceps et pertes en matières organiques), tassement du sol (problème de prospection racinaire, baisse de vie du sol), ruissellement (perte en sol et éléments nutritifs), sol engorgé en eau (sol tassé qui empêche l’évacuation de l’eau) qui empêche le passage des engins et des traitements, maintenir un taux de matière organique correct dans un sol permettrait de le préserver et de mieux appréhender les aléas climatiques.
Les besoins de la vigne
Les besoins en azote de la vigne sont modestes par rapport à d’autres cultures : ils se situent en moyenne autour de 20/30 kg d’azote par hectare et par an, pour une production d’environ 6-8 T/ha. Ces besoins sont normalement en partie satisfaits par l’azote issu de la minéralisation de la matière organique du sol. Au cours de la saison végétative, la vigne utilise différentes sources d’azote : du débourrement à la floraison, elle puise dans les réserves contenues dans les racines (accumulées en fin de cycle de l’année précédente). Elle absorbe l’azote du sol majoritairement à partir de la floraison. En fin de cycle, la vigne remet en réserve de l’azote.
Le potassium a un rôle physiologique majeur : il joue un rôle dans le transport membranaire et l’équilibrage des charges. Au niveau de la baie de raisin, il permet sa croissance et la translocation des sucres. D’un point de vue œnologique, il a un rôle sur le pH et la sensation de fraîcheur. La vigne en absorbe environ 25 à 70 kg/ha/an.
Le phosphore joue un rôle dans la croissance et la multiplication cellulaire, il est également nécessaire au développement des racines et à la photosynthèse. Les quantités absorbées annuellement par la vigne sont de l’ordre de 3 à 10 kg/ha/an.
Le magnésium est un des constituants majeurs de la chlorophylle, pigment essentiel de la photosynthèse des plantes. Il joue également un rôle dans le métabolisme des sucres et contribue à assurer la stabilité des parois cellulaires. La vigne en absorbe entre 6 et 15 kg/ha/an.
Les oligo-éléments (fer, bore, manganèse, zinc, cuivre) interviennent dans la photosynthèse, la synthèse des protéines et les réactions enzymatiques de la plante. Les quantités absorbées par la vigne se situent entre 0.06 et 0.8 kg/ha/an.
Comment déterminer les besoins en fertilisation de sa vigne ?
La fertilisation d’une vigne se réfléchit sur plusieurs échelles : au regard des objectifs de rendement et de qualité du vin fini, du comportement végétatif (vigueur plus ou moins forte, production), de mode d’entretien du sol (sol nu, désherbage chimique ou mécanique, enherbement) et de la sensibilité aux maladies (déjà forte présence de maladies fongiques ou absence).
Un excès d’apport azoté constitue plusieurs risques : vigueur trop importante, croissance végétative favorisée au détriment de la maturation des baies, tassement du feuillage et sensibilité accrue aux maladies fongiques, diminution de la qualité organoleptique des vins et risque de pollution des eaux par lessivage de l’azote.
En cas de carence, les risques pour la vigne sont : faible vigueur et mauvaise mise en réserve, nanisme des feuilles, chute précoce des feuilles, aoûtement imparfait, diminution de la fermentescibilité des moûts (fiche Martin), baisse de la quantité et de la qualité des raisins, affaiblissement à long terme de la vigne.
Raisonner la fertilisation passe tout d’abord par l’observation du sol, de la vigne et des raisins. Le nombre de rognages par an, le développement fongique, la couleur des fruits, la grosseur des sarments, l’entassement du feuillage, le développement des entre-cœurs sont des indicateurs de la vigueur et du bon fonctionnement de la vigne. Le type de sol (plus ou moins argilo-limoneux) et l’historique de la parcelle sont également des facteurs qui vont influencer la fertilisation.
L’analyse de sol est l’outil incontournable qui permet de débuter le pilotage de la fertilisation. Elle permet de déterminer la granulométrie, le taux de matière organique, pH, calcaire actif et total, indice de pouvoir chlorosant (IPC), capacité d’échange cationique (CEC), cations échangeables et oligo-éléments, biomasse microbienne.
La réalisation de fosses pédologiques n’est pas obligatoire mais conseillée pour comprendre le fonctionnement du sol en son ensemble, et pas seulement en surface. Les fosses permettent de détecter la présence de semelles de labour, d’horizons impénétrables par les racines et la présence de nappe.
Observer et analyser la vigne permet d’apporter des informations sur les différentes carences ou excès en éléments minéraux. L’analyse pétiolaire se pratique à mi-véraison et est la plus adaptée au pilotage de la fertilisation. Elle permet de déterminer les niveaux d’alimentation en potassium, magnésium, calcium, phosphore et en oligo-éléments.
L’analyse des moûts permet d’indiquer le niveau d’azote total et assimilable et de piloter l’alimentation azotée.
Quand intervenir ?
Pour fertiliser une parcelle, trois stratégies sont possibles :
- réaliser une fumure de fond organique et minérale avant plantation
- fertilisation/amendement de conduite sur les deux premières années qui suivent la plantation
- fertilisation de production pour limiter les carences en phase de production de la vigne
Pour réaliser une correction sur une vigne en cours de production et obtenir une action rapide, il est possible de réaliser une fertilisation par pulvérisation foliaire. Cette modalité d’apport est étudiée dans une autre fiche technique (fiche Antoine).
En ce qui concerne la fumure de fond, elle aura lieu en plusieurs temps en fonction des objectifs et des critères à modifier. Le premier critère qui doit être modifié est le pH du sol. En cas de pH trop acide, la première fumure consistera donc à apporter de la chaux plusieurs mois avant l’apport de matière organique. Trois mois minimum avant la plantation, l’apport d’azote, de matières organiques et/ou d’éléments minéraux doit déjà avoir été effectué.
La fertilisation en cours de production a pour but de compenser les pertes en matières organiques et d’apporter des éléments nutritifs. Il est possible d’effectuer un premier passage à l’automne, sous forme de matière organique bien décomposée afin d’entretenir le stock d’humus et d’apporter du potassium. Un deuxième passage entre février et mi-mars sous forme de matière organique azotée permet d’activer la flore microbienne et d’enclencher la minéralisation.
Les différents types de fertilisant
Deux types de matières fertilisantes sont disponibles pour le viticulteur :
- les engrais : matières fertilisantes apportant directement à la vigne les éléments directement utiles à sa nutrition
- les amendements organiques : matières fertilisantes composées principalement de combinaisons carbonées, destinées à l’entretien ou la reconstitution du stock de matière organique du sol et donc à l’amélioration de ses propriétés
Le tableau 1 compare ces deux matières fertilisantes, du point de vue des avantages et inconvénients de chacun.
Tableau 1 : Tableau comparatif entre l'amendement et l'engrais
Les engrais se déclinent sous différentes formes :
- les engrais minéraux ont un effet azote à court terme et engendrent une forte acidification du sol.
- les engrais N-retard, organo-minéraux et organiques sont plus coûteux
Les amendements sont disponibles en différentes catégories :
- sous forme de matières organiques végétales fraîches : ils sont peu coûteux mais sont souvent peu riches en azote et compliqué à épandre. Etant donné qu’ils sont riches en carbone, ils risquent de déclencher une faim d’azote : les champignons et bactéries du sol vont décomposer cette fraction carbonée, mais pour cela ils ont besoin d’azote. Par conséquent, l’azote des plantes n’est momentanément plus disponible pour la vigne.
- les fumiers d’origine animale : ils sont très hétérogènes et d’une composition variable
- compost végétal : ils ont un fort potentiel humique mais libèrent peu d’azote
Bilan
La fertilisation d’une parcelle de vigne doit être réfléchie en fonction de la parcelle, des carences visuelles, des objectifs de production et des observations de terrain. Avant d’apporter de l’engrais, il faut bien vérifier que les problèmes de la vigne ne sont pas dus à un éventuel défaut du sol (trop acide, compact, mauvaise alimentation hydrique, mauvais rapport feuille-fruit). Les engrais agissent rapidement mais à court terme, ils n’ont pas d’action sur la structure du sol. Les amendements agissent à long terme et permettent d’améliorer la vie et la cohésion d’un sol.
Glossaire
Adsorption : c’est un phénomène de surface par lequel des atomes, ions et molécules se fixent sur une surface solide
C E C : Capacité d’Echange Cationique : quantité de cations que le sol peut retenir sur son complexe adsorbant à un pH donné. Il indique la capacité de rétention des éléments nutritifs et donc sa fertilité (Ca++, Mg++, K+…).
Erosion : dégradation du sol par les épisodes pluvieux et le travail mécanisé
Indice de pouvoir chlorosant (IPC): indice calculé pour les plantes sensibles à la chlorose ferrique sur un sol calcaire. Si IPC=0, le risque de chlorose est nul. IPC=100, risque de chlorose très élevé.
Lessivage : transport des éléments du sol (sédiments, matières organiques, engrais, pesticides) par les eaux de surface (pluie)
Micro-organisme : très petit organisme vivant. Ce sont essentiellement des bactéries et des champignons.
Oligo-éléments : éléments minéraux présents en très petite quantité et indispensables au fonctionnement de l’organisme
Protozoaires : eucaryote unicellulaire hétérotrophe mobile
Ruissellement : écoulement des eaux à la surface du sol (contraire à l’infiltration)
Références bibliographiques
Guilbault P. (2011). Avantages et inconvénients des différentes formes d’azote apportées au sol en viticulture. L’azote : un élément clé en viticulture et œnologie. Chambre d’agriculture Gironde.
Institut rhodanien (2003). Guide de la fertilisation raisonnée. Vignobles de la vallée du Rhône.
ITV France. Fiche 3 : la matière organique. Fertilisation de la vigne, un point sur les préconisations.
Joubert N. (2012). Fertilisation en viticulture. Les sols vivants bio. Chambre d’agriculture Provence Alpes Côte d’Azur.
Rousseau J., Auge G., Leclerc B., Mallet O., Rieux J.-M., Guerber M., L’Helgoualch E., Warlop F.. Choix des amendements organiques en viticulture. ITAB.